Lettre d’un vieux chien de refuge
C’est moi, le vieux chien du refuge. Vous m’avez peut-être aperçu, quand vous êtes venu ? Pour tout vous dire, je ne sais plus vraiment depuis combien de temps je suis là. Des jours, des semaines, des mois ? Nous, les chiens, nous ne comptons pas les choses comme vous. L’amour, nous ne le comptons jamais. Le temps, nous le mesurons en absences, en silences, en battements de cœur qui n’ont plus d’écho.
Je me demande parfois si j’ai été aimé autant que je le croyais. M’aimais-tu, dis ? Je ne parle pas d’être nourri, promené ou caressé chaque fois que j’étais mignon ou utile. Aimé comme on aime quelqu’un dont on ne peut pas se passer, sans qui on ne veut pas vivre. Aimer de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa raison d’être… Moi, en tout cas, je t’ai aimé comme ça.
Je t’ai donné tout ce que j’avais, tu sais.
Chaque fois que je t’ai attendu derrière la porte. Chaque fois que tu es rentré. Chaque fois que je t’ai suivi là où tu allais, les yeux fermés. Les jours où tu criais, je restais là. Les jours où tu étais triste, je ne bougeais pas.
C’est ce que font les chiens.
Mais aujourd’hui me voilà. Tout seul. Sans toi. Sans personne.
Il y a des gens qui passent, tu sais. Ces gens qui ne font que passer.
Je les vois déambuler le long des grilles, hésitants, nonchalants, indécis, comme s’ils n’étaient pas certains d’être à leur place ici. Parfois, ils s’arrêtent. Je me demande toujours si c’est par curiosité, parce que j’ai remué la queue, ou parce que j’ai levé les yeux.
Il y a ceux qui glissent un doigt à travers les barreaux, prudemment, un peu comme on teste la température de l’eau. Ils me regardent, ceux-là. Ils me sourient, me disent quelques mots gentils, puis ils s’en vont. Je les écoute marmonner, rire ou soupirer en s’éloignant.
Il arrive que je les voie partir avec un autre. Un plus jeune. Un plus petit. Un plus beau. Un de ces chiens chanceux qui cochent toutes les cases.
Mais je ne leur en veux pas. Je me demande juste… et moi ? Qui finira par s’arrêter un jour devant ma cage sans me regarder avec ces yeux-là… Tu sais ? Quand ils se remplissent de cet étrange mélange d’excuses, et de pitié.
Je ne suis plus tout jeune, je sais. Je ne saute plus très haut. Je ne cours plus très vite. Mon museau a blanchi et je dors plus qu’avant. Aussi, j’ai mes petites habitudes, mais à mon âge, qui n’en aurait pas ? Malgré tout, j’ai encore tant à donner.
Je n’ai plus besoin de courir des heures, vous savez. Je vous le promets ! Je n’ai pas besoin d’un château, ni d’un jardin privé ! Je voudrais juste quelqu’un qui m’aime… et quelqu’un à aimer.
Quelqu’un qui me laisserait poser ma tête sur ses genoux. Quelqu’un qui me regarderait avec des yeux doux. Quelqu’un que j’entendrais dire : « Allez, viens, on y va », sans que j’aie à me demander s’il s’adresse à moi… Quelqu’un que j’attendrais encore et toujours et chaque jour avec le même enthousiasme. Quelqu’un qui serait content de me retrouver en rentrant. Quelqu’un qui saurait qu’il peut compter sur moi, et sur qui je pourrais compter, moi aussi.
Mais je suis un vieux chien. Un chien de l’après. Un chien du trop tard. De ceux qu’on ne voit plus, de ceux qu’on n’adopte plus, de ceux qu’on ne choisit plus. En tout cas, pas souvent. Nous, on nous croise un jour, au détour d’une allée, et on se dit : « Allez, pourquoi pas ? », mais généralement, c’est « pas ».
Peut-être que je finirai ma vie ici, qui sait. Comme ce berger qui est parti l’autre nuit, après toute une vie à faire semblant d’y croire chaque fois que quelqu’un s’attardait un moment devant son mouroir… Il était arrivé ici petit.
Peut-être que mes derniers jours seront faits de grillages, de gamelles tièdes, et d’aboiements que je ne reconnais plus.
Peut-être que je m’en irai tout seul, moi aussi, en plein milieu de la nuit, dans les bras de personne. Peut-être… Mais en attendant, je suis là.
Alors si vous passez par-là, si vous passez devant ma cage, s’il-vous-plaît, regardez-moi. Regardez-moi vraiment. Oubliez les barreaux, oubliez mes années, oubliez mes poils décolorés. Regardez-moi, juste moi, du moins ce qu’il en reste, et peut-être qu’alors, vous le verrez, car c’est toujours tout ce qu’il reste d’un chien : un cœur un peu cabossé, c’est vrai, mais avec tout l’amour du monde, intact, lui, pour qui me laissera l’aimer.
Un pépère ou une mémère qui vous attend 🐾🖤
Prince

Race : Yorkshire terrier – Croisé
Sexe : Mâle
Né(e) le 2012-12-02
Vous attend au refuge : La SPA – Refuge de Marennes – Lyon
Prince est sociable et gentil. Il est proche de nous et aime beaucoup avoir notre présence. Il s’entends avec ses congénères et les chats. Il pourra vivre avec des enfants. Prince est un chien qui ne peut pas rester seul, dès qu’il nous voit partir ou qu’il entends qu’on est la mais qu’on ne vient pas le voir il aboie. Il est très communicatif. Il est en SOS car il est âgé..
(source : Société Protectrice des Animaux)

Éducatrice comportementaliste canine, je travaille sur ce lien subtil entre le chien et l’humain, avec ce qu’il a de beau, de bancal, de vivant. J’aide les humains à mieux comprendre leur chien — et parfois aussi un peu l’inverse.